Compostage et herbicyclage
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Le compostage est un procédé biologique naturel par lequel les matières organiques putrescibles sont transformées en compost, un produit riche en nutriments s’apparentant à la terre noire. Le processus de compostage implique d’abord une dégradation aérobie intense des matières organiques putrescibles par des microorganismes spécialisées à une température modérée (50–70 °C) suivie d’une phase de maturation (35–45 °C) à l’aide de champignons. Il est primordial d’apporter de l’oxygène en continu afin de maintenir des conditions appropriées tout en prévenant la génération de méthane par putréfaction. Une fraction des matières compostées (typiquement entre 40–60 %) devient du compost alors que le reste est converti en CO2, humidité et autres gaz odorants (ex. : ammoniaque, composés organiques volatils).
Des systèmes de prétraitement incluant le déchiquetage et le criblage des matières incompatibles au compostage peuvent être intégrés au procédé tout comme des systèmes de post-traitement du compost (figure 9). Dans certaines conditions, l’ajout d’un agent structurant (ex. : sciure de bois) peut être requis afin d’augmenter la porosité de la pile, ce qui améliore l’aération.
Figure 9 : Schéma d’écoulement typique pour un centre de compostage
Configurations disponibles
Plusieurs approches au compostage existent incluant le compostage domestique, le compostage communautaire, l’herbicyclage, le compostage à grande échelle (ex. : par andains, en piles statiques aérées, en système clos) et le tri-compostage. Tous ont le même objectif de réduire la quantité de matières organiques putrescibles à éliminer, mais présentent différents niveaux de rendement et de difficulté.
Compostage domestique
Le compostage domestique s’approche beaucoup plus de la réduction à la source (selon le concept des 3RV-E) que de la valorisation étant donné que la municipalité n’est pas directement responsable de cette activité, axée sur la participation volontaire des citoyens. Pour la municipalité, le compostage domestique implique surtout une campagne d’information et de sensibilisation qui peut prendre plusieurs années avant d’obtenir des résultats probants. La distribution des bacs de compost gratuits ou à des coûts réduits par la municipalité peut permettre l’adhésion d’un plus grand nombre de citoyens à cette pratique. La tenue de conférence sur le compostage ou l’obligation d’assister à une formation sur le compostage permet à la municipalité de s’assurer que les citoyens sont informés sur la façon de procéder. Les coûts associés sont donc minces lorsque comparés aux autres procédés à grande échelle, mais le détournement effectif des matières est également moins important (typiquement 5–10 % des matières organiques putrescibles) (Recyc-Québec, 2006).
Compostage communautaire
Le concept à l’arrière du compostage communautaire est similaire au compostage domestique sauf qu’il rassemble les citoyens d’un quartier, d’une coopération d’habitation, d’une communauté, etc. Les matières organiques putrescibles sont préalablement triées à la maison par les citoyens de la communauté qui les apportent au centre de compostage au moment qui leur convient. Au début du projet, une personne responsable du centre de compostage, bénévole ou non, accompagne les participants dans les démarches à suivre lors de leur premier dépôt afin de s’assurer que les matières triées sont conformes au compostage communautaire. Puis, chaque jour ou semaine, certains participants ont la responsabilité d’aérer le compost et de s’assurer que le site est en bon état. Tout comme le compostage domestique, le niveau de succès dépend de l’enthousiasme des citoyens et du nombre de centres de compostage afin de limiter la distance à parcourir par le citoyen intéressé. Pour la municipalité, les coûts associés au compostage communautaire se situent surtout au niveau de l’aménagement et de l’entretien des centres de compostage, et possiblement du salaire du responsable de projet.
Herbicyclage
L’herbicyclage est considéré comme de la réduction à la source. C’est un autre concept écologique dont l’objectif est de laisser sur place ou réaménager ailleurs les rognures de gazon, les feuilles mortes et autres résidus verts déchiquetés au lieu de les ramasser et les placer en bordure de rue pour la collecte municipale. Ces résidus peuvent servir de fertilisant pour la pelouse ou de paillis pour les aménagements paysagers. Tout comme pour le compostage domestique, un programme de sensibilisation à l’herbicyclage est requis afin de transmettre les bons principes d’application aux citoyens. Les municipalités devraient également mettre en application l’herbicyclage pour leurs travaux d’aménagement des espaces publics.
Tableau 3 : Avantages et inconvénients du compostage domestique et communautaire
Compostage à grande échelle (par andains)
Le compostage en pile allongée (andain) des matières organiques putrescibles est une technique simple et éprouvée. Ces rangées de matières organiques putrescibles sont retournées régulièrement afin d’aérer les piles et de contrôler la température. Il est recommandé d’exploiter les piles sous le couvert d’un toit (ou équivalent) afin de limiter la formation d’un lixiviat lors des précipitations. Une autre option est d’exploiter le centre de compostage dans un bâtiment, ce qui permet un meilleur contrôle des conditions ambiantes à l’année longue tout en éliminant la propagation d’odeurs provenant surtout des résidus alimentaires. Nécessitant beaucoup d’espace avec l’opération de machineries lourdes et bruyantes, le compostage par andains est préférablement exploité dans des régions rurales. Le coût d’immobilisation est également le plus faible de toutes les approches de compostage à grande échelle ce qui rend le compostage par andains plus attrayant pour les petites à moyennes municipalités qui ont des quantités à traiter limitées.
Figure 10 : Système de compostage en andains à ciel ouvert (FCM, 2004)
Compostage à grande échelle (en piles statiques aérées)
Ce type de compostage utilise un dispositif d’aération situé sous les piles procurant une circulation d’air positive (injection) ou négative (aspiration) à travers la matière organique putrescible. Les piles ne sont pas retournées fréquemment comparativement au compostage par andains. Seul l’air insufflé permet de contrôler la température de la pile. L’exploitation peut se faire autant à l’intérieur qu’à l’extérieur quoique la ventilation forcée à l’extérieur est problématique en hiver. La phase de compostage active est généralement suivie d’une phase de maturation par andains, permettant de compléter le compostage des matières qui n’auraient pas été dégradées lors de la phase d’aération.
Le système d’aération étant relativement dispendieux, cette configuration est surtout considérée pour le compostage d’une grande quantité de matière ayant une consistance homogène et similaire aux boues d’épuration.
Compostage à grande échelle (en système clos)
Le compostage en système clos consiste à traiter la matière organique putrescible dans une enceinte fermée afin d’avoir un contrôle étroit sur le processus. Plusieurs technologies existent incluant les systèmes en silo-couloir avec aération forcée, en tunnel, et en conteneur modulaire qui ont tous leurs propres spécificités. Pour les systèmes en tunnel par exemple, la matière organique putrescible est confinée dans plusieurs modules fermés dotés d’unités d’aération et de contrôle distinctes qui permettent la recirculation d’une partie de l’air issue du procédé. Les matières séjournent quelques semaines dans l’enceinte fermée puis subissent une phase complémentaire de maturation à l’extérieur ou dans un bâtiment conçu à cet effet (Recyc-Québec, 2010).
Cette approche peut être considérée pour le compostage de n’importe quelle matière organique putrescible bien qu’il soit recommandé d’aménager ce type d’établissement pour le traitement de grandes quantités, étant donné qu’il s’agit d’une approche de compostage plutôt dispendieuse.
Tableau 4 : Avantages et inconvénients du compostage à grande échelle
Utilisation et qualité du compost
Le compost est un excellent amendement de sol hygiénisé alors que sa fabrication détruit la capacité germinatrice des semences de mauvaises herbes. Il procure une aération au sol. Le compost permet, entre autres :
- de restaurer les parcs municipaux et autres secteurs récréatifs;
- de contrôler l’érosion des sols à des endroits à risque;
- d’augmenter les teneurs en éléments nutritifs du sol (azote, phosphore, potassium) bénéficiant à la croissance du gazon et autres plantes à long terme;
- d’être utilisé comme amendement de sol en agriculture. Par contre, avec sa faible teneur en azote disponible, il doit souvent être complémenté par des engrais minéraux azotés.
Le compost, malgré ses propriétés bienfaitrices, ne doit contenir qu’un minimum de contaminants qui pourraient avoir des conséquences sur l’environnement (sols et eaux souterraines) et sur la santé publique. Au Québec, il existe des exigences précises de qualité en vertu de la norme CAN/BNQ 0413-200 : Amendements organiques – Composts spécifiant les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques que doit avoir le compost afin d’être utilisé comme amendement organique. On peut se procurer une copie de cette norme au Bureau de Normalisation du Québec (BNQ). Sinon, un document similaire procurant les mêmes informations a été préparé par le Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME) en harmonisation avec la norme du BNQ : Lignes directrices pour la qualité du compost. Au niveau réglementaire, la qualité du compost est normalisée pour son utilisation comme matière fertilisante par le MDDEFP (Guide sur le recyclage des matières résiduelles fertilisantes) et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (Réglementation du compost en vertu de la Loi sur les engrais).
Économie d’énergie
L’exploitation d’un nouveau centre de compostage à grande échelle ne procure pas d’économie d’énergie directe significative. Dans cette optique, il pourrait même y avoir une augmentation selon la configuration du projet de compostage.
Carburant requis pour le transport : L’exploitation d’un centre de compostage sur le territoire de la municipalité peut permettre de réduire la consommation de carburant prévu pour la collecte des déchets comparativement au programme de gestion actuel. Une réduction globale de la consommation de carburant est favorisée lorsque :
- le site d’enfouissement est éloigné (situation actuelle);
- le centre de compostage est situé à un endroit stratégique près des citoyens et ICI (situation future);
- et qu’un programme de cocollecte avec les résidus ultimes ou matières recyclables est instauré ce qui limite, d’ordre général, le nombre de camions sur la route comparativement à la collecte indépendante (Attention! La cocollecte permet la réduction de consommation de carburant seulement si le centre de transbordement ou le lieu de traitement est situé à proximité du centre de tri des matières recyclables).
Énergie requise par le procédé de compostage : Le compostage ne nécessite pas beaucoup d’énergie hormis la consommation de carburant (broyeur, mélangeur, machinerie lourde) pouvant aller de 0,5 à 5 L de diesel par tonne de matière compostée (Brown et al., 2008, Waste Control, s.d.). Une consommation inférieure à 1 L par tonne est toutefois attendue pour les centres de compostage en piles statiques aérées et en système clos. Par ailleurs, la consommation d’électricité dépend de la configuration du centre de compostage allant de 1–10 kWh par tonne de matière compostée (par andains) jusqu’à 30–150 kWh/t pour les autres procédés, selon le type d’équipement en place (Waste Control, s.d.).
Épandage : Il est également reconnu que l’épandage du compost sur les terres agricoles contribue à une économie d’énergie indirecte en remplaçant les engrais chimiques, mais aussi en améliorant le cycle écologique des plantes. Une évaluation du niveau d’économie demeure toutefois vague, requérant souvent une analyse de cycle de vie pour le projet de compostage en cause.
Réduction potentielle des émissions de GES
La réduction des émissions de GES pour n’importe quel projet de valorisation est intimement liée à l’économie d’énergie qu’il génère. Tout d’abord, il faut comprendre que la matière organique compostée génère peu de GES étant donné que le CO2 produit est biogénique (non comptabilisé dans les protocoles de quantification) alors que la formation de méthane et de protoxyde d’azote est normalement limitée. Le processus de compostage doit par contre être bien contrôlé en prévenant la putréfaction par exemple. La réduction (ou augmentation, le cas échéant) de la consommation de carburant par le centre de compostage et le transport des matières résiduelles doit également être considérée. Le tableau 5 présente à titre indicatif les sources principales d’émission et de réduction de GES associées à l’exploitation d’un centre de compostage à grande échelle.
Tableau 5 : Sources principales d’émission et de réduction de GES pour le compostage à grande échelle
a Quoique le remplacement d’engrais chimiques puisse engendrer une réduction des émissions de GES, cette source de réduction n’est pas reconnue par le programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage du MDDEFP et ne peut donc pas être comptabilisée.
Aspect économique
De l’ensemble des procédés de valorisation abordés dans ce guide, le centre de compostage par andains est celui qui requiert généralement le moins d’investissement. On doit prévoir un minimum de 40–60 $ par tonne de matière à composter annuellement (t/a) pour le coût d’immobilisation (Conseil canadien du compostage, s.d.). L’ajout d’un bâtiment technique doublera au minimum l’investissement initial (100–200 $ par t/a). D’autre part, les centres de compostage en piles statiques aérées et en système clos nécessitent beaucoup plus d’investissements, généralement entre 300 et 600 $ par t/a (Conseil canadien du compostage, s.d., Waste Control, s.d.). Pour ce qui est des coûts d’exploitation et d’entretien, ils se situent généralement entre 30 et 80 $ par tonne de matière compostée selon la configuration du centre de compostage. Ces coûts sont représentatifs pour des quantités appréciables de matières à composter, soit généralement plus de 50 000 tonnes par année.
Tableau 6 : Coûts et revenus représentatifs de l’exploitation d’un centre de compostage
a Le coût d’investissement annualisé est calculé sur la base d’un taux d’intérêt de 6 % sur 15 ans (correspondant à 10 % de l’investissement initial par an).
b ATTENTION : Il ne faut pas automatiquement se fier à la vente du compost, dans la perspective où celui-ci doit atteindre un certain critère de qualité et que la totalité du compost n’est pas nécessairement vendue. Il pourrait même être nécessaire de majorer le coût d’exploitation du centre de compostage afin de disposer du compost convenablement.
Cas du tri-compostage
Le tri-compostage est un procédé de valorisation qui s’apparente au compostage traditionnel sauf qu’il est configuré pour traiter un gisement de déchets mélangés, généralement d’origine résidentielle, au lieu de la matière organique putrescible séparée à la source par les citoyens. Il n’est donc pas nécessaire d’implanter une troisième voie au schéma de collecte. Ce type d’usine intègre des systèmes de traitement et de séparation mécanique avec un procédé biologique (compostage en système clos ou bioséchage) qui produisent dans l’ensemble des matières recyclables (surtout les métaux, verre, granulats, et certains plastiques) et un matériel organique s’apparentant au compost. Selon les expériences, ce dernier est souvent de mauvaise qualité dû à la présence de contaminants dans les déchets (ex. : piles ou autres matières dangereuses). Il pourrait ne pas être utilisable comme amendement de sol et devra être disposé à l’enfouissement. Il importe de noter qu’afin d’être admissible à l’aide financière du Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage du MDDEFP, le compost doit être recyclé et donc sa qualité doit être garantie.
Indépendamment de la configuration, le point névralgique est le coût d’immobilisation élevé pour les installations traitant moins de 100 000 tonnes par année (t/a), soit 350–800 $ par t/a (équivalent à 35–80 $/t en valeur annualisée). L’approche est mieux adaptée pour les grandes agglomérations (> 100 000 t/a) et donc pour le traitement de grandes quantités de déchets (200–500 $ par t/a ou 20–50 $/t en valeur annualisée). Bien que le tri-compostage apporte une solution au problème des GES, l’expérience pour l’exploitation de telles installations vient surtout de l’Europe et est peu considérée comme solution pour le problème des déchets à l’enfouissement au Québec. Ceci s’explique du fait que de grandes quantités de matières résiduelles sont requises pour assurer la rentabilité du traitement, et ce, sans engendrer un transport de matières sur de longues distances; une condition qui s’avère plus difficile à respecter sur le territoire plus vaste du Québec. Dans cette optique, un examen plus poussé du tri-compostage n’est pas nécessaire.
Figure 11 : Schéma de principe pour un centre de tri-compostage
Ressources pratiques
- Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage du MDDEFP
- Site web de Recyc-Québec pour guider les gestionnaires municipaux dans le choix des possibles scénarios de gestion des matières organiques applicables à leur région.
- Attestation d’études collégiales « Techniques de biométhanisation et de compostage » offerte par le Cégep de Rivière-du-Loup
- MATTEUS+, un outil d’aide à la décision pour les gestionnaires de matières résiduelles développé par le ministère des Finances et de l’Économie (MFE), en collaboration avec Hydro-Québec et SNC-Lavalin.
- Étude sur les facteurs pouvant influencer l’acceptabilité sociale des équipements de traitement des matières résiduelles de la Communauté métropolitaine de Montréal
- Document « Les matières organiques en fiches techniques : L’herbicyclage » de Recyc-Québec
- Document « Lignes directrices pour l’encadrement des activités de compostage » du MDDEFP
- La suite logicielle RETScreen de Ressources naturelles Canada, un outil pour renforcer les décisions pour les énergies propres
- La norme « Amendements organiques – Composts » du Bureau de normalisation du Québec (CAN/BNQ 0413-200), concernant la qualité du compost
- Document « Lignes directrices pour la qualité du compost » du Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME)
- Le Modèle d’évaluation des émissions associées aux biosolides (MEEB) : une méthode pour déterminer les émissions de gaz à effet de serre issues de la gestion des biosolides au Canada, un outil sous format Excel du CCME
- Outils de sensibilisation développés par le Conseil régional de l’environnement de la Montérégie
- Outils de communication et sensibilisation offerts par Recyc-Québec
- Le Lexique des technologies de traitement des matières résiduelles : avantages et inconvénients des choix de technologies et scénarios de collecte de l’Union des municipalités du Québec (UMQ)
Impliquez-vous dans la trousse
Les experts derrière ce chapitre
- La maîtrise de l’énergie
- L’aménagement du territoire
- Les bâtiments municipaux
- La flotte de véhicules
- Les matières résiduelles et boues municipales
- Les principes d’une gestion territoriale des matières résiduelles
- La Politique québécoise de gestion des matières résiduelles mise en œuvre par le MDDEFP et RECYC- QUÉBEC
- Gestion durable des matières résiduelles : enjeux et considérations
- Opportunités d’économie d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre
- Annexe 1 : Composition des matières résiduelles générées selon leur origine
- Annexe 2 : Sommaire des traitements en fonction du type de matière résiduelle
- Références
- Les parcs écoindustriels
- Les infrastructures
- La gestion et la réduction des émissions de GES
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- Acronymes et abréviations
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