Les boues municipales

Le but d’une usine de traitement des eaux usées est d‘épurer l’eau afin de pouvoir la rejeter dans la nature tout en respectant les normes de rejet des eaux usées. Il existe au Québec différentes façons de traiter les eaux usées, comme le montre la figure 5.

Chacun de ces procédés produit une boue, c’est-à-dire une suspension concentrée de solides organiques.

Mat Res - Figure 5

Figure 5 : Répartition des systèmes de traitement d’eaux usées au Québec, en termes de volume d’eau traité (MAMROT, 2010)

Bien que le traitement de type physico-chimique semble prédominant, seulement 13 usines sur les 740 répertoriées dans l’étude du MAMROT utilisent ce traitement, dont la station Jean-R.-Marcotte de Montréal qui traite à elle seule environ 42 % des eaux usées du Québec. Le traitement physico-chimique consiste à séparer l’eau et les solides par des moyens mécaniques tels que le dégrillage, le dessablage et la décantation. Par l’ajout de produits chimiques, par exemple des polymères, l’efficacité de la décantation est grandement améliorée. Ces boues ne peuvent pas être épandues sans un traitement de désinfection supplémentaire, comme le compostage.

Environ 23 % des eaux usées sont traitées dans des étangs aérés. Ces installations sont généralement de petite taille et conviennent aux plus petites municipalités, ce qui explique que plus des deux tiers des usines de traitement d’eaux usées du Québec soient de type étangs aérés, comme le montre la figure 6. Ce type de traitement consiste à accumuler les eaux usées dans des bassins et à encourager, par une forme d’aération quelconque, l’activité des microorganismes aérobies afin de dégrader la matière organique. Les solides, plus ou moins dégradés, se déposent au fond des bassins (ou étangs) et sont retirés lorsque l’accumulation est trop importante. Le temps entre les vidanges des étangs est parfois très long, de l’ordre de 10 ou 15 ans. Ces boues ont généralement le niveau minimal de désinfection requis pour permettre leur épandage.

Le troisième type de traitement le plus important est le traitement par boues activées. Après la séparation mécanique des solides (souvent de façon similaire au procédé physico-chimique décrit plus haut), l’effluent est traité dans des bassins d’aération où la matière organique (la matière dissoute et ce qui n’a pu être séparé à l’étape précédente) est dégradée par des microorganismes aérobies. En consommant la matière organique, les microorganismes se multiplient, créant ce qu’on appelle une boue activée (ou boue biologique ou boue secondaire). Ces boues ont généralement le niveau minimal de désinfection requis pour permettre leur épandage. La boue créée à l’étape de la séparation mécanique est quant à elle appelée boue primaire (ou boue physique).

Mat Res - Figure 6

Figure 6 : Répartition des usines de traitement d’eaux usées au Québec, par type de traitement (MAMROT, 2010)

Les traitements physico-chimiques ou par boues activées sont des procédés mécanisés convenant en général aux plus grandes municipalités. La figure 7 montre les avenues possibles pour le traitement/valorisation de ces boues industrielles dont la siccité est de l’ordre de 4 % avant déshydratation et de l’ordre de 20 à 25 % après déshydratation (c.-à-d. en général, un processus mécanique de pressoir ou de centrifuge). Environ 70 % de la masse de solides consiste en de la matière organique putrescible. La figure 8 montre quant à elle le traitement des boues d’étangs aérés.

* Cliquez sur la figure pour agrandir

Mat Res - Figure 7

Figure 7 : Traitements possibles pour les boues municipales et de fosses septiques

Mat Res - Figure 8

Figure 8 : Traitements possibles pour les boues d’étangs aérés

Le premier facteur déterminant dans le choix de l’une ou l’autre des avenues possibles est le coût : transport, traitement, disposition, etc.  La solution la moins coûteuse est l’épandage des boues qui sont déjà partiellement désinfectées et qui ne requièrent pas de compostage ou biométhanisation. Une autre solution qui est, dans la plupart des cas, peu coûteuse est l’enfouissement. C’est pourquoi il constitue un mode de disposition encore fort répandu au Québec. En effet, selon le MDDEP, environ 80 % des boues produites au Québec sont soit enfouies, soit incinérées (Hébert, 2007). Toutefois, la hausse des coûts de transport et de disposition et, surtout, l’interdiction d’enfouir à partir de 2020 sont des incitatifs à la recherche de solutions alternatives. Dans un contexte de gestion des matières résiduelles durable où s’applique le principe des 3RV-E, l’épandage (ou de façon plus générale le recyclage par retour au sol) devient la principale option, mais elle se trouve confrontée à un problème de perception négative qui subsiste malgré les nombreuses études démontrant la validité de cette approche et les encouragements du MDDEFP. Effectivement, pendant que l’épandage agricole de fumiers et lisiers est mieux perçu au Québec, le recyclage de matières issues de matières fécales humaines l’est moins. Pourtant, plusieurs pays recyclent sur des terres agricoles plus de 50 % de ces matières.

Un autre problème auquel fait face la pratique d’épandage est l’accessibilité. Théoriquement il y a suffisamment de terres agricoles disponibles pour épandre la totalité des boues municipales, industrielles et agricoles au Québec, mais pour être accessible, une terre doit :

  1. Être située à une distance raisonnable de l’endroit où la boue est produite;
  2. Être en mesure de recevoir la matière résiduelle fertilisante au moment où elle est disponible (en particulier, l’épandage ne peut pas se faire en hiver ou lorsque les sols sont gorgés d’eau et ne peut pas être fait sur une terre dont les cultures sont destinées à l’alimentation humaine).
  3. Être la propriété d’un producteur qui accepte de recevoir des boues municipales.

Les boues municipales issues de l’ensemble des usines de traitement des eaux usées du Québec représentent une masse humide de l’ordre de 1 million de tonnes. En 2010, 751 000 tonnes de biosolides ont été générées, 20,8 % (156 000 tonnes) ont été enfouies, 50,5 % (379 000 tonnes) ont été brûlées et 28,8 % (216 000 tonnes) ont été recyclées. L’enjeu est donc important. Que ce soit pour des raisons économiques ou environnementales, la valorisation de cette matière est maintenant incontournable.

Parmi les options de gestion des boues, seuls les procédés d’incinération et de biométhanisation proposent une possibilité de produire de l’énergie. Les procédés d’incinération sont en révision au MDDEFP, les procédés qui seront dorénavant acceptés devront respecter des critères environnementaux plus stricts. La biométhanisation quant à elle est encouragée. Bien que plus facilement accessible aux municipalités de plus de 10 000 habitants, la biométhanisation se démarque des autres modes de valorisation par sa capacité à produire de l’énergie sous la forme du biogaz et un digestat recyclable en agriculture. Il est question de la biométhanisation des matières résiduelles et des boues municipales à la section Biométhanisation. Les municipalités qui se doteront d’un système de déshydratation des boues (avec ou sans biométhanisation) auront l’option supplémentaire d’aller vers une approche de compostage.

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Comité d’experts

Ingénierie de bioprocédés, ing. Ph.D. David Lacasse
David Lacasse
Groupe Berlie-Falco
Professeur-chercheur, chimiste Marc Olivier
Marc Olivier
CTTÉI
Ingénieur en qualité de l'air Simon Piché
Simon Piché
SNC-Lavalin inc.

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